Voici l’homélie de la messe des jeunes du 11 octobre à la Cathédrale de Lodève.

Homélie, 28ème dimanche du TO.

Je me suis amusé à récolter quelques expressions et mots employés par le prophète Isaïe qui nous parle de la bonté sans limite de Dieu pour ses créatures. Je les ai articulés en deux groupes de phrases. Le premier groupe nous dit ceci : « le Seigneur de l’univers préparera pour tous les peuples sur sa montagne un festin ». Dans cette phrase, le sujet qui prend l’initiative de la fête, c’est le « Seigneur de l’univers ». Les bénéficiaires, ce sont « tous les peuples ». Le lieu de la fête, c’est « sur la montagne du Seigneur ». Il s’agit donc d’une « fête à venir » qui concernera non seulement Israël, le peuple élu de Dieu, mais aussi toutes les nations. Il y a là une nette relation entre l’universalité s’exprimant à travers « tous les peuples » et la dénomination du « Seigneur de l’univers ». On pourrait bien comprendre qu’il est « le Seigneur de l’univers » parce que « Seigneur de tous les peuples » et « Seigneur de tous les peuples », parce que « Seigneur de l’univers ». Ce qui nous autorise à le dire, c’est la forte symbolique biblique de la montagne. Pour nous régaler, Dieu prend de la « hauteur ». Il nous élève à lui, à sa transcendance. Cette transcendance est inscrite dans le cœur de tout homme. C’est elle qui lui permet de discerner entre le bien et le mal. Dans cette transcendance, Dieu révèle à Moïse quel est son nom : « Je suis celui qui sera ». Dans cette transcendance, Dieu donne ses lois et ses décrets au peuple élu ! Sur « une haute montagne », Jésus atteste et accomplit cette transcendance de Dieu dans l’histoire, en laissant découvrir un avant-goût de la fête de la résurrection lors de sa transfiguration. Nous avons besoin aujourd’hui de la transcendance de Dieu qui nous permet de nous élever au-dessus de nous-mêmes, au-dessus de nos vues courtes et difformes de la réalité sociale, politique, économique et environnementale… Dieu élève toute la création vers son être d’immensité. Allons-nous refuser de monter à cette hauteur ? Allons-nous manquer à cette fête que Dieu nous prépare ? Il nous est même décrit une partie du menu ! « Un festin de viandes grasses et succulentes arrosées de vins capiteux et décantés ». Le prophète Isaïe utilise ici des symboles qui décrivent la fête, la joie, le bonheur et l’allégresse sans fin. Chacun sera servi à la mesure de l’élévation de son cœur jusqu’à la transcendance de l’amour de Dieu.

La seconde idée du texte d’Isaïe annonce le cadre dans lequel se déroulera le festin : il s’agit de la disparition « pour toujours » de la mort dont le voile de tristesse se jette sur tout ce que nous faisons, la mort qui nous humilie et nous fait verser des larmes, cette mort sera détruite. Et quand la mort aura été détruite, tout l’univers et tous les peuples de tous les temps, passé, présent et à venir, tous les peuples entonneront un chant qui montrera la victoire de la foi et de l’espérance que nous avions mises en notre Dieu : « Nous espérions en lui et il nous a sauvés ! Exultons, réjouissons-nous, bondissons de joie ! ». Pourquoi devons-nous nous réjouir ? Parce qu’il nous a sauvés. Voilà pour les deux idées fondamentales du texte d’Isaïe. Venons-en maintenant à leurs correspondances dans l’Évangile de Mathieu.

Avec l’Évangile, nous connaissons un peu plus l’identité de ce Dieu et la nature du festin qu’il prépare pour nous. Le Seigneur Dieu est clairement identifié à un Roi qui prépare les noces de son Fils. Nous sommes donc ici en contexte d’Alliance. Le Fils, c’est Jésus-Christ. Son épouse, c’est l’Église avec qui il a conclu une Alliance d’amour. L’Église, c’est la famille de tous les baptisés, le corps du Christ, le Temple de Dieu. Ce qui nous autorise à participer à la fête, c’est l’anneau de l’Alliance, la bague du mariage, symbole de notre fidélité à Jésus et à son Église. C’est par le baptême que chacun de nous a reçu ce sceau divin. Le festin dont il s’agit et qui était décrit dans le futur, ce festin, c’est l’Eucharistie. Elle est éternelle. Elle est appelée le pain des Anges, la nourriture de la route. Mais aussi le pain du Ciel. Pour y être, il faut auparavant accepter de purifier son cœur, d’être en confiance avec notre Epoux, le Christ. Voilà pour la première correspondance.

Nous avons une autre évolution de sens dans l’Évangile, au sujet de la décision de ce Roi de l’univers d’adresser un faire-part aux invités. Le Roi qui, rappelons-le, est ici identifié à Dieu, pour atteindre tous les peuples et tout l’univers, commence par adresser des invitations à des personnes particulièrement choisies, auxquelles il envoie ses serviteurs et son Fils. Les serviteurs sont ici assimilés aux prophètes, aux prêtres, au messager de la Bonne Nouvelle de Dieu et finalement au Christ, le Serviteur des serviteurs, l’unique Envoyé, le Messie, portant le message définitif du Père. Toi aussi, par ta présence ici, dans cette cathédrale, tu as répondu à un appel de Dieu au nom de ton amour pour Jésus. Même si ce sont tes parents qui t’y ont conduit, même si c’est grâce à un ami que tu es là, même si c’est par obéissance ou pour faire plaisir à quelqu’un, c’est en définitive Dieu qui, par ces personnes, t’a envoyé une carte d’invitation virtuelle. La pédagogie de Dieu consiste à passer par des humains et par son Fils pour faire passer son message de grâce. C’est ainsi que le peuple d’Israël est devenu le premier à recevoir cette mission d’annoncer les merveilles de Dieu à toutes les nations. Ce n’est pas une question de privilège pour celui qui est choisi ou de discrimination envers les non-choisis. C’est une logique de fraternité par laquelle celui qui est choisi est choisi pour être témoin de l’amour de Dieu envers les autres, pour les autres et parfois jusqu’à l’extrême témoignage de la mort, pour que la lumière de la vérité du Christ jaillisse. C’est le chemin que Jésus a choisi. Sommes-nous convaincus de cette mission d’amour que Dieu nous a confiée ? On ne reçoit jamais une mission pour se dérober ou pour se confiner. On ne reçoit pas le baptême, la confirmation, la première communion et les autres sacrements rien que pour soi-même. Toute grâce reçue est toujours en faveur des autres. Dieu a voulu lier nos destins les uns aux autres. Nous sommes invités à goûter à la fête de l’Eucharistie qui est préparée sur la sainte montagne de l’autel. Au début de la liturgie eucharistique, le prêtre dit « Sursum corda », c’est-à-dire « Elevons notre cœur ». Nous allons donc sur les hauteurs de la fête divine avec un seul cœur. À la fin de la messe, Jésus par la bouche du prêtre nous dira, « Ite, missa est », « Allez, vous êtes envoyés », allez annoncer ce que vous avez reçu, allez l’annoncer par toute votre vie à d’autres personnes, aux pauvres, aux démunis, aux faibles, aux infirmes et aux malades, aux personnes de bonne volonté, pour que la fête de l’humanité et la joie du partage soient encore plus belles. C’est cette totalité de l’amour débordant du cœur de Dieu que nous sommes appelés à annoncer à tous ! Car la joie divine est communicative et c’est pour cela qu’elle est universelle.

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